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Nicolas Offenstadt, Le pays disparu. Sur les traces de la RDA, Paris, Stock, 2018.

   | Oct 31, 2020
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SYMPOSIUM CULTURE@KULTUR
„1989/90 – 30 Jahre danach: Welche Erinnerungen? 30 ans après: quelles mémoires?”

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Dans son essai, Le pays disparu, l’historien Nicolas Offenstadt propose une déambulation personnelle dans l’Allemagne actuelle, sur les traces de l’ancienne République démocratique allemande. Le livre a été un succès de librairie et a connu une belle couverture médiatique en France – plus partiellement en Allemagne, ce qui est souvent le sort d’ouvrages non encore traduits

N. Offenstadt parle de plus de 15 000 exemplaires vendus tout à la fois de cet ouvrage et de Urbex RDA. L’Allemagne de l’Est racontée par ses lieux abandonnés (Paris, Albin Michel, 2019), qui relève davantage du beau livre, présentant avant tout les photographies prises par le chercheur au cours de son enquête, accompagnées de textes consacrés à quelques aspects de la vie en RDA.

. On ne peut que se réjouir du large écho ainsi donné à une thématique qui attire sinon très rarement l’intérêt des médias français – excepté lors de la sortie de films, comme Good Bye Lenin (W. Becker, 2003) ou La Vie des Autres (F. Henckel von Donnersmarck, 2006), ou lors des commémorations de 1989 et 1990. Dans Le pays disparu, beaucoup de spécialistes française.s de l’histoire de la RDA retrouveront en outre avec plaisir, et amusement, des situations, des impressions qu’ils ont pu eux-mêmes vivre et ressentir depuis le tournant des années 1990, lors de leurs pérégrinations en quête d’archives, de sources, d’entretiens… Le format choisi ici de l’essai permet en effet de donner toute sa place aux coulisses de l’enquête, et aux émotions de l’auteur, dans une approche très subjective habituellement laissée dans l’ombre pour répondre aux conventions des publications scientifiques.

Il ressort de ce parti pris un objet plutôt hybride et qui s’est retrouvé au cœur de recensions et réactions assez contrastées de la part de collègues français.es et allemand.es. Dans le contexte des débats, très vifs parfois, qui ont eu lieu autour des 30 ans de l’unification allemande et de la situation politique actuelle dans les régions à l’est de l’Allemagne, il nous a paru intéressant de revenir sur ce récit d’une enquête et sur sa réception pour voir ce qu’ils nous révèlent des enjeux d’écriture et des pistes à suivre pour avancer dans le débat sur les identités est/ouest/allemandes, 30 ans après l’unification.

Effacement, résistance, réinvention des traces

Ce projet, qui a fait l’objet d’une enquête de terrain de six ans, entre 2012 et 2018 nourrie de nombreuses lectures, est né d’un malaise devant « l’entreprise de délégitimation de l’〈 expérience RDA 〉 extrêmement puissante dans l’Allemagne unifiée » (p. 21). L’ambition de l’auteur est de retrouver les traces permettant de faire renaître des souvenirs et mémoires est-allemandes afin de répondre au tryptique « dictature-propagande-répression » d’un grand récit officiel dominant. Nicolas Offenstadt nous invite dès lors à le suivre non pas en archives, comme sa profession d’historien pourrait le laisser penser, mais sur les traces de la RDA qui se nichent « dans les bâtiments abandonnés, dans des sacs-poubelles éventrés, dans les brocantes, sur des murs oubliés ou dans de petits musées de bric et de broc » (p. 11). Sont ainsi volontairement laissés de côté les sources attendues, classiques de la recherche historienne ainsi que « ces politiques du souvenir, les grands musées, fédéraux et locaux, qui touchent à la RDA ou à la Stasi en particulier, les mémoriaux de l’après-réunification, les présentations médiatiques de la RDA », autant de traces, selon l’auteur, « trop formelles, trop bavardes, trop disciplinées » et surtout aussi, comme il le souligne lui-même, déjà largement étudiées (p. 10–11). Pour l’auteur, nul souhait en outre de contribuer « aux représentations de la RDA dans la société allemande depuis 1990 » et l’ambition n’est pas de « faire un 〈 bilan 〉 de la RDA, ni de porter une appréciation sur les politiques de mémoire » (p. 29). Il cherche bien plutôt la manière dont les traces de la RDA sont saisies au présent : « Nous prêterons attention à leur 〈 biographie 〉, à leur 〈 car rière 〉 » (p. 32). En repérant ces traces matérielles et en tentant de retrouver leur histoire, l’auteur souhaite mesurer les processus d’effacement, de résistance ou de réinvention de la mémoire de la RDA.

Pour cela, l’historien s’est lancé dans l’exploration urbaine (l’urbex) et a sillonné des centaines de lieux et de bâtiments dans toutes les régions de l’ancienne RDA. C’est sans doute l’une des grandes forces et originalités indéniables de ce travail. N. Offenstadt s’est éloigné des chemins battus, aussi bien en terme de méthodes que de terrains d’investigation. Il ne s’est pas contenté de mener une enquête à Berlin ou dans les principales villes de l’ancienne RDA : il nous conduit dans des lieux très divers, trop souvent restés à l’écart de l’attention des chercheurs et des historiens – du moins dans leurs travaux. Combien de fois a-t-on pu passer devant un bâtiment abandonné et se demander ce qu’il avait pu être avant sa fermeture – que ce soit à l’est de l’Allemagne comme dans d’autres régions du pays : cinéma, théâtre, école, usine, prison… ? N. Offenstadt, lui, a franchi le pas et est parti à la découverte de ces lieux. Il pénètre dans des usines abandonnées, de manière plus ou moins licites, s’y promène, observe et photographie.

Les quatre premiers chapitres du livre participent donc du « parcours matériel » proposé par l’auteur. C’est avec plaisir et curiosité que l’on suit N. Offenstadt dans sa quête d’informations sur les archives d’entreprise (factures, dossiers, matériels publicitaires, livres), les vaisselles, les autocollants, les timbres, etc. Il en ressort des parcours de vie donnant chair à des espérances, des désillusions et aussi des combats quotidiens, non héroïques, mais qui ont fait la vie de tous les jours en RDA.

C’est ainsi qu’il découvre par exemple les archives de l’entreprise Kali-Chemie à Bernsdorf, en Saxe. Devant ces documents désormais en vrac, abandonnés, quelle est cependant l’attitude de l’auteur ? « Il n’y a aucun protocole, aucune règle, aucune tradition, qui me dise que faire : lire les documents à la lampe de poche, les signaler aux autorités compétentes, en prendre le maximum, lancer un appel à la sauvegarde patrimoniale ? […] Je choisis de m’en approprier quelques-unes selon le principe de ce livre : la trace, les bribes » raconte N. Offenstadt (p. 50). Le chercheur, l’historien change ici de casquette pour saisir celle du curieux, du collectionneur, du glaneur d’archives et d’objets. Là sans doute est la limite, au sens de frontière, de la démarche d’un point de vue de chercheuse et de chercheur, d’historien.ne. Comme il a été plusieurs fois demandé à N. Offenstadt lors de présentations de son livre, comment qualifier ce geste consistant à prendre un dossier personnel abandonné dans une usine en ruines et à le garder pour soi, pour son livre, plutôt qu’à chercher à le déposer en archives ? Il aurait été intéressant que l’historien N. Offenstadt argumente davantage la valeur heuristique liée à son choix, par rapport à l’étude d’un tel dossier individuel conservé, lui, dans des archives.

Les parcours de vie retracés par l’auteur n’en demeurent pas moins passionnants, comme tous ceux collectés par les ardents défenseurs de l’histoire orale, dont Dorothee Wierling, Alexander von Plato ou, plus récemment Agnès Pilleul-Arp

N. Offenstadt mentionne également le projet de Bibliothèque de la mémoire de la RDA, qui a remis en octobre 2019 l’ensemble de ses archives et de sa documentation aux Archives fédérales de Lichterfelde : http://www.erinnerungsbibliothek-ddr.de/index.htm [consulté le 1er juillet 2020].

. Ces chercheurs ont en effet largement contribué à compléter le silence des archives papiers par des entretiens commencés dès les années 1987/1988 et qui aident à mesurer comment mémoires individuelle et collective se sont développées dans l’Allemagne unifiée. Ces entretiens permettent de laisser la place dans le récit aux émotions, non seulement de l’interviewé.e mais également de l’intervieweur. « L’accueil fut tel qu’on peut le rêver, plein de chaleur, d’empathie mais sans l’affectation de la bourgeoisie » note, en toute candeur, N. Offenstadt lorsqu’il rencontre l’ancienne comptable de l’entreprise de Bernsdorf, qui est devenue bien malgré elle, dix ans durant, femme de ménage dans l’Allemagne unifiée. « Je sens de l’émotion et de la révolte dans ce qu’elle me dit » note N. Offenstadt qui sort quant à lui « heureux et troublé » de l’entretien (p. 57–58).

Exploration des lieux et lecture documentaire ont formé le dyptique au cœur de la démarche. Toutefois, N. Offenstadt précise bien qu’il ne cherche pas à faire « l’histoire » des personnes dont il retrouve des dossiers au milieu de ces bâtiments abandonnés : « Ce serait non plus faire parler les traces, mais faire une recherche d’histoire sociale plus classique » (p. 60). De fait, l’auteur propose plutôt une mosaïque impressionniste, produite au fil des rencontres et trouvailles. Ces bribes biographiques captées au hasard sont inscrites dans un récit accordant peu de place à une vue plus générale des 30 ans passés depuis l’unification. La temporalité semble d’ailleurs écrasée, entre ces lieux comme restés figés depuis le moment de leur fermeture officielle et le moment de leur exploration par l’auteur. Nulle périodisation claire ne ressort de ce puzzle formé de plusieurs biographies et récits isolés. Et l’enquêteur se trouve souvent piégé par les documents-traces qu’il a collectés : très souvent il les fait parler pour tenter de retracer une histoire de la RDA – et dans ce cas ne faisant que confirmer les travaux menés par des chercheurs spécialistes de l’histoire politique et sociale de la période, plutôt que de raconter l’histoire de ces objets mêmes – ce qui semblait être pourtant le point de départ.

« Toutes ces histoires de vie si peu protégées, si peu considérées. Leur étude, ici, pour nous, ne dirait pas plus que les histoires racontées dans ce chapitre ou dans mille autres études. Mais cela évoque encore l’immense possible de toutes ces traces, tout autant que les faibles chances que ce possible se concrétise » constate l’auteur (p. 78). Cette réflexion dépasse bien largement la question de la mémoire de la RDA et de sa déligitimation pour poser plus largement celle de la manière d’écrire l’histoire face au vertige des archives. Comment écrire par exemple la désindustrialisation profonde et brutale de la Ruhr

Ce n’est qu’en 1998 que les Archives de l’histoire de la Ruhr ont été créées, afin de préserver les différents fonds d’archives publiques et privés existants, dont des entretiens biographiques : http://www.isb.ruhr-uni-bochum.de/sbr/index.html.de [consulté le 2 juillet 2020].

ou du nord-est de la France ? Quelle place y accorder aux multiples parcours de vie, dans toute leur diversité, dans toute leur particularité ? Quelle place leur accorder au sein d’un grand récit national ?

Outre ces parcours de vie glanés en cours de route, l’auteurpromeneur est aussi visiteur assidu des brocantes ou navigue sur internet pour repérer des objets vendus à l’encan, formant un inventaire à la Prévert réjouissant : manomètre bulgare, porcelaine, plaque d’entreprise et de rue, drapeau, guide ou plans de ville… Il paraît toutefois évident que le document retrouvé dans la poussière d’un bâtiment abandonné n’a pas le même statut, la même valeur pour l’enquête qu’un document ou objet acheté sur un marché aux puces ou sur eBay. Comme le dit l’auteur lui-même, dans le premier cas il produit son objet/son archive, le/la trouve, le/la choisit, le/la raconte, le/la conserve – sans intermédiaire. En outre, c’est bien la dimension géographique et spatiale, mais aussi esthétique, de l’urbex qui est ici novatrice et offre une dimension particulière à la démarche de Nicolas Offenstadt. Ces lieux, dans toute leur étrangeté, dans leur abandon, apparaissent comme les ruines de Pompéi (les cadavres en moins…), offrant des instantanés du cadre de vie d’une usine au moment de sa fermeture. Le récit, par contre, de la découverte d’objets divers, médailles, plaques de rue, drapeaux trouvés sur les lieux de vente s’avère moins pertinent ici car plus connu (Bach 2017). Tout.e spécialiste d’histoire matérielle est un.e habitué.e de ces quêtes d’une brocante à l’autre. Que quelqu’un vende une médaille en ligne, est-ce là le signe que la RDA a été bradée ? Pas sûr. Les aventures de l’urbexeur semblent bien plus parlantes pour rendre compte des ruptures, des non-dits douloureux de l’unification.

De fait, la démarche au long cours et nouvelle de N. Offenstadt d’aller arpenter le territoire de l’ancienne RDA pour attirer l’attention sur ces lieux abandonnés et ce qu’ils recèlent se trouve souvent ensuite intégrée à une argumentation qui la dépasse et, par la même, en affaiblit, malheureusement, la portée. De manière générale, à force de vouloir démontrer que les souvenirs matériels de l’ex-RDA ont été jetés à la poubelle et continuent à être méprisés, son propos perd de sa perspicacité. Au printemps 2014 l’auteur est en Rhénanie, à Cologne, et cherche en vain des produits de l’Est dans la principale chaîne de supermarchés de la région : « Un sentiment d’altérité m’envahit quand je m’aperçois à nouveau que les marques de l’Est ne sont pas dans les rayons, là encore, comme un effacement, une domination sans partage du passé […] » (p. 87). Comment s’en étonner ? Y trouverait-il des produits de Bavière ou de Frise ? Non. Comme à Berlin on ne trouve pas dans de tels magasins les produits de Thuringe ou de Saxe. La diversité de l’Allemagne, du temps de la division comme du temps de son unité est telle qu’il est bien trop réducteur d’opposer « l’Allemagne de l’Ouest » à une « ancienne Allemagne de l’Est » formée d’un seul bloc. L’absence n’est pas uniquement signe d’effacement, d’écrasement, d’oubli. D’autres logiques sont en œuvre. Pour bien les comprendre il faut sans doute ne pas tant s’inquiéter des divisions est/ouest que des multiples autres divergences et différences qui traversent l’ensemble de l’Allemagne actuelle.

Où le promeneur semble se perdre en chemin

Si les trois premiers chapitres correspondent à l’ambition affichée en introduction, les deux derniers s’en éloignent brusquement. Le chapitre 5 est en effet consacré aux commémorations de la fondation de la RDA qui se tiennent au musée de la RDA à Bochum, « tenu par des militants convaincus du DKP », et organisées « avec l’aide et la présence de cercles d’anciens fonctionnaires du SED et de la Stasi ». Suit un récit de différentes cérémonies annuelles et de leur mise en scène. Cet épisode nous plonge dans un petit cercle de (n)ostalgiques du régime est-allemand dans sa version la plus orthodoxe

Le chapitre n’est pas dénué d’humour, mais on peut s’étonner de certaines formules, au mieux maladroites : « une jeune militante, fine d’apparence et fort décidée de propos » (p. 316) ou « une boutique installée dans une sévère ville industrielle de la Ruhr, non loin de Bochum, Oberhausen » (p. 317).

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Le choix de « l’observation participante » de l’auteur l’éloigne ici du questionnement de l’historien qui garde, selon l’auteur lui-même, « des propriétés fortes, loin des formes spécifiquement mémorielles ou émotionnelles. Derrière l’enquête, derrière la découverte, il y a la connaissance éprouvée – au sens de la mise à l’épreuve – comme fondement de la transmission » (p. 165). Les anecdotes collectées ici rendent le récit très vivant, mais laissent sur sa faim qui souhaiterait une mise à l’épreuve de ces impressions et émotions. Prenons la référence, récurrente dans le livre, à la solidarité internationale du temps de la RDA. A Bochum, hommage est rendu à Margot Honecker, décédée au Chili. Un chanteur chilien, ancien exilé politique, donne un petit concert à cette occasion : « Valdès est charmant, il dégage à la fois une impression de bienveillance, de force et de distance. A l’écouter, à lui parler, j’ai l’impression de plonger dans ce monde révolu des grands discours de solidarité internationale, d’être face à une icône, et pourtant il est tellement vivant quand il chante », note N. Offenstadt, exprimant là encore, en toute honnêteté, ses émotions, et il ne manque pas de rappeler l’accueil qui fut accordé à 2 000 exilés chiliens en RDA après le coup d’Etat contre le président socialiste S. Allende en 1973 (p. 318–321). Certes, mais l’historien aurait dû aller au-delà de ses émotions et rappeler l’ambiguïté qui exista entre le discours et les pratiques en matière de solidarité internationale. Les recherches des spécialistes des migrations en RDA ont déjà démontré la réalité de la vie quotidienne pour la majeure partie des exilés étrangers, victimes de jalousie en raison de leur capacité à voyager à l’étranger, d’avoir accès à certains biens de consommation alors que ceux qui étaient parmi eux politiquement déviants se trouvaient contrôlés de très près (Poutrus 2019 ; 2007). Ce contact avec le socialisme réel conduisit bien des exilés à s’éloigner idéologiquement du discours dominant à l’Est, voire de quitter la RDA pour l’Ouest (Koch 2016 ; Hite 2000). Cet exemple, tiré de l’observation ethnographique telle que nous la présente N. Offenstadt, témoigne des limites de l’exercice pour qui voudrait en tirer des conclusions claires et pertinentes en termes historiques. Le chapitre suivant, « Ecriture de la RDA perdue », est consacré aux représentations de la RDA au cinéma et en littérature. L’auteur insiste sur sa volonté de se concentrer sur les traces de la RDA présentes dans certaines œuvres, mais au final les critères de choix qui ont conduit à la formation du corpus étudié semblent avant tout très subjectifs. Les lecteurs sont invités à un panorama, là encore plutôt impressionniste, le faisant passer d’œuvres de fictions cinématographiques à des œuvres littéraires, publiées à divers moments de ces 30 dernières années, et ayant connu des succès divers. La chronologie est ici aussi flottante et nulle périodisation claire n’est proposée. Et l’on a du mal à voir le lien entre la recherche des traces de la RDA qui se nichent « dans les bâtiments abandonnés, dans des sacs-poubelles éventrés, dans les brocantes, sur des murs oubliés ou dans de petits musées de bric et de broc » et la plupart des œuvres qui sont considérées semble-t-il comme traces elles-mêmes. L’étude de la thématique plus précise des ruines au cœur de l’intrigue de certaines fictions cinématographiques (p. 352–359) permet par contre de revenir à l’idée première du livre, notamment autour des films de Andreas Kleinert, Michael Klier et Peter Kahane. La question de la réception des films, critique et publique, aurait cependant permis de mieux mesurer la manière dont ces œuvres permettent, ou non, de contribuer à un contre-discours sur la RDA et ce qu’il en reste. L’auteur semble en effet analyser en partie ces films avant tout comme autant d’écho à sa propre expérience d’urbexeur.

Dans ce corpus de fictions littéraires et cinématographiques mis à l’épreuve de la trace, N. Offenstadt a retenu également une série, Weissensee, diffusée entre 2010 et 2018. Au contraire de la plupart des films précédemment évoqués, la série a connu un grand succès et paraît donc répondre à une attente des téléspectateurs allemands. Après avoir retracé les principales lignes de l’intrigue, N. Offenstadt salue le fait que la série « joue de l’ambivalence » (p. 365) et cite la journaliste Kerstin Decker, selon qui la série a rendu « leur dignité » aux Allemands de l’Est, faisant « rupture avec le grand récit qui domine l’espace public » (p. 366). Suit ensuite un long développement sur le travail de reconstitution matérielle minutieux opéré par l’équipe de production et de tournage de Weissensee. Pour cela, N. Offenstadt s’appuie sur le visionnage de la série mais aussi sur la lecture du dossier de presse et sur un entretien réalisé avec l’historien qui a travaillé comme conseiller sur la série, Ilko-Sascha Kowalczuk. N. Offenstadt semble donc lier reconstitution minutieuse et processus de religitimation, dans une démonstration cependant plus ou moins convaincante. En quoi « faire trace du quotidien » (p. 367), « reconnaître des marques ou des objets RDA que l’on identifie immédiatement, sans qu’ils jouent en rien un rôle dans l’intrigue, pas même dans une séquence » relèvent ici non de l’« Ostalgie » mise de côté par l’auteur en introduction ? En quoi ces objets sont-ils étudiés ici comme des « objets-traces » et non pas comme des éléments classiques d’une reconstitution historique ? Pour cela, il aurait sans doute fallu une analyse plus fine de la série, allant au-delà de l’énumération des objets reconnus par l’auteur au fil des épisodes.

Mais surtout, N. Offenstadt omet des informations qui auraient été pourtant intéressantes concernant non seulement l’écriture et la conception de la série mais aussi le propos général de son ouvrage. En effet, il n’évoque pas le nom de la scénariste, Annette Hess, née en 1967 à Hanovre, ayant étudié dans les années 1990 à Berlin, ni celui du réalisateur Friedemann Fromm, né en 1962 à Stuttgart. Tous deux sont donc les auteurs de la série, qui a bénéficié par ailleurs, en effet, de l’expertise de Ilko-Sascha Kowalczuk. Né en 1967 à Berlin-Friedrichshagen, ce dernier fut l’une des figures du mouvement d’opposition en RDA. Il a travaillé de 1998 à 2000 au sein de la Fondation en charge de l’étude de la dictature du SED (Bundesstiftung zur Aufarbeitung der SED-Diktatur) puis dans le département Formation et recherche des Archives de la Stasi (BStU) tout en étant chercheur associé au sein de la Robert-Havemann-Gesellschaft, association conservant les archives de l’opposition en RDA. La série, diffusée par ailleurs sur la première chaîne nationale (on est ici loin des marges), s’avère donc le fruit d’une collaboration réussie entre Allemand.es venant de l’Ouest et de l’Est appartenant à la même génération et ayant mis leurs expertises en commun. Cet exemple offre ainsi une vision plus optimiste et positive, du moins plus nuancée, de l’Allemagne actuelle, au sein de ce paysage à l’horizontal, parsemé de ruines et d’abandons, dessiné par N. Offenstadt, et marqué par la division entre vainqueurs et perdants. On le voit, tout ici est affaire de perspective…

En conclusion, l’auteur revient sur les trois processus qu’il souhaitait décrire : celui de l’effacement « des traces du pays vaincu » ; celui de la résistance, voire d’un « activisme des traces » ; et celui d’une réinvention. Puis il finit sur le cas particulier des anciens du SED qui, eux, « veulent aussi voir les traces politiques » de la RDA, résumées autour du triptyque : « sécurité sociale, antifascisme, paix » (p. 378). Et cet héritage politique serait facilement actualisé (réinventé ?) dans une Allemagne où l’extrême-droite connaît un très important renouveau, où l’armée « se fait plus active dans les opérations extérieures » et où les inégalités sociales persistent. N. Offenstadt, s’il ne partage peut-être pas ce point de vue, choisit cependant de lui accorder une place non négligeable en conclusion de son long périple. Et nul contrepoint n’est ici proposé, nulle évocation des traces, par exemple, de la militarisation très forte de la société est-allemande, de l’école jusqu’au service militaire obligatoire (Widera 2012). On peut sincèrement se demander si reprendre, pour finir, et sans les discuter, les traces mémorielles des défenseurs du régime de Berlin-Est permet vraiment de contrecarrer un grand récit officiel jugé bien trop partisan et déligitimant pour la RDA.

Traces, mémoires, identités. Des lectures contrastées

Le pays disparu a donné lieu à de multiples rencontres entre l’auteur et le grand public, à de nombreuses présentations dans un cadre plus académique, en France comme en Allemagne. Une série de comptes rendus ont également été publiés, témoignant des tensions, fortes, concernant la question de ce grand récit national construit depuis 1990 et celle des traces de la RDA dans l’Allemagne actuelle. Nous nous centrerons ici sur les recensions proposées par des chercheuses et chercheurs.

René Schlott, historien allemand du Leibniz-Zentrum für Zeithistorische Forschung de Potsdam, salue, dans une recension parue dans la presse, le caractère novateur de l’urbex, mais estime problématiques les conclusions tirées par l’auteur de ses « trouvailles de hasard » (Zufallsfunde) et notamment l’assertion selon laquelle la RDA, « pays à la brocante », est désormais un « pays à l’horizontal », « pays vaincu » (Schlott 2019). L’insistance de N. Offenstadt sur les processus de déligitimation qui serait portée par un grand récit ouest-allemand, conduit, selon R. Schlott, à une fausse interprétation de la Wende, faisant oublier que, à l’époque, ce n’est pas seulement l’Allemagne de l’Ouest qui fut à la manœuvre, mais aussi les Allemands de l’Est, par leurs mobilisations et par leurs votes qui conduisirent aux bouleversements politiques, sociaux et culturels si profonds. « Qui cherche des ruines entre la Baltique et les monts Métallifères trouvera des ruines. Qui cherche des parcs aquatiques trouvera des parcs aquatiques » commente R. Schlott, pointant le fait qu’il ne soit pas question de prisons de la Stasi ou autres lieux utilisés par la police de sécurité dans le livre auquel il prête ainsi un regard biaisé, partiel et partial.

L’historien Ulrich Pfeil, de l’Université de Metz, propose une lecture également très critique du livre de N. Offenstadt qu’il intègre à un panorama, politique, de la recherche sur la RDA en France (Pfeil 2020). Il souligne les échos qu’il voit entre cet ouvrage et les publications de Sonia Combe, dont son dernier ouvrage La loyauté à tout prix (2019)

Voir dans ce dossier la recension qui en est proposée par D. Röseberg.

. U. Pfeil dénonce dans les deux cas non pas tant les méthodes employées que le bilan tiré des 30 dernières années. Selon lui, tous deux réduisent l’histoire de la révolution pacifique et de l’unification allemande à une « annexion » de la RDA par la RFA, surestiment l’homogénéité des opposants et contestataires du régime est-allemand en 1989/90 ainsi que l’homogénéité des mémoires et discours sur l’histoire de la RDA dans l’Allemagne unifiée.

Dans sa recension de l’ouvrage, l’historienne française Sonia Combe, qui parle de la RDA comme de « l’autre Allemagne engloutie par celle de Helmut Kohl », constate de fait combien la parole d’autorité « jadis monopole du parti [du SED] » est « passée du côté des politiques et d’historiens de l’Ouest qui la proclament du haut de leurs chaires » (Combe 2018). En réponse à cette évolution, Nicolas Offenstadt en « historien-arpenteur », tantôt « chasseur », tantôt « fouineur, limite intrusif », partant d’infimes indices fait parler, selon elle, « ces histoires de vie jetées à la poubelle […] dans un savant montage qui fait défiler, à travers des trajectoires personnelles, toute l’histoire du Volk de la RDA ».

Cependant, Dorothee Röseberg, professeure émérite de l’Université de Halle, romaniste et spécialiste en études culturelles, appelle à une lecture désidéologisée du livre de N. Offenstadt (Röseberg 2019). Elle souligne combien « l’inexpérience de l’auteur (en matière d’histoire de la RDA), son regard extérieur sont deux avantages non négligeables ». Mais c’est avant tout la méthode choisie qu’elle salue : ces traces qui occupent N. Offenstadt sont de fait essentielles à étudier, comme « symptôme d’un changement socio-culturel ». L’ouvrage, estime-t-elle, dans la lignée de la pratique du bricolage de Michel de Certeau, attaché aux objets et à leur utilisation, est un livre d’histoire culturelle et matérielle, non sur la RDA mais sur « le changement de système » qui s’est opéré après 1990, étudié « dans ses dimensions et conséquences culturelles ». D. Röseberg regrette également que les discussions autour du livre ne s’emparent pas suffisamment de ses pages consacrées à l’effacement des traces de la mémoire du mouvement ouvrier telle qu’elle fut encouragée et érigée du temps de la RDA – un aspect qui marque aussi, selon elle, toute l’originalité de la démarche de l’auteur.

La germaniste Sylvie Le Grand, dans une recension toute en nuance, salue également un « livre attachant » (Le Grand 2018). Choisissant résolument « le petit bout de la lorgnette », pour s’intéresser aux « traces du quotidien révolu, [au] rapport aux objets de ce passé, [à] la matérialité du souvenir, [aux] paysages du vide et de l’abandon », l’auteur, selon elle, évoque avec justesse « la transcendance perdue d’un projet politique surplombant et l’état d’une mémoire qui part à vau-l’eau ». De fait, S. Le Grand se demande « si les nombreuses 〈 dynamiques 〉 (ou 〈 dialectiques 〉) 〈 mémorielles 〉 à l’œuvre » en Allemagne de l’Est et évoquées dans l’ouvrage […] ne sont pas le véritable sujet du livre », au-delà de leurs traces. Elle invite à aller au-delà des impressions de superficialité que peut laisser une première lecture pour se plonger à nouveau dans un livre foisonnant qui, « au-delà voire par ses imperfections elles-mêmes, […] s’avère être une lecture extrêmement stimulante ». En conclusion, elle estime que « le débat que l’ouvrage a le grand mérite de rouvrir » trouve des prolongements dans l’actualité récente. Il se pourrait ainsi « que les colères populaires qui s’expriment dans les mouvements politiques contestataires, en Saxe notamment, constituent un exemple de ces espaces autres dont les mémoires démonétisées de RDA ont besoin pour se déployer ».

Certes, N. Offenstadt, dans son livre, invite à la nuance : « L’Allemagne est un pays trop divers et complexe pour que les mouvements soient uniformes » (p. 376). Toutefois, force est de constater que la lecture du Pays disparu contribue à une vision très polarisée de la société allemande actuelle entre Allemands de l’Est et Allemands de l’Ouest, comme en attestent les conclusions qui en sont tirées. Thierry Jobard écrit ainsi dans Sciences humaines : « De cette perte d’identité, les effets se mesurent aujourd’hui dans les Länder de l’Est dont les habitants se considèrent comme des citoyens de seconde zone, et sont de ce fait plus sensibles aux appels des extrêmes politiques » (Jobard 2019). L’ouvrage semble donc être perçu par ses lectrices et lecteurs comme établissant un lien de cause à effet entre d’une part un sentiment de déligitimation de la part des anciens Allemands de l’Est, présentés comme victimes de la domination économique, politique, culturelle et sociale des Allemands de l’Ouest, et d’autre part les discours de haine, racistes, la violence physique telle qu’on la constate en Allemagne de nos jours dans l’est du pays (mais pas seulement…). « Ainsi ce jeu de piste à travers un pays disparu permet-il, aussi, de mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui à Dresde et à Chemnitz » déclare Sonia Combe en conclusion de sa recension.

Les « néo-ostalgiques » d’un pays disparu

Siegbert Schefke se souvient : « Le lundi 27 août 2018 à Chemnitz […] a été le pire moment de ce que j’ai pu vivre jusque-là. […] D’un côté, des étudiants, des habitants de Chemnitz et d’autres encore. [De l’autre, devant la statue de Karl Marx] des groupes d’extrême-droite. Des manifestants opposés à ces derniers, des policiers et des journalistes furent pris à parti et attaqués. Je n’avais vécu une telle situation que le 17 octobre 1987 à la Zionskirche, lorsque des Skinheads nous étaient tombés dessus après un concert » (Schefke 2019 : 138). Comment comprendre cette violence verbale et physique ? « Je me demande toujours, surtout à propos des personnes un peu plus âgées : ces gens qui attaquent maintenant la démocratie, la liberté de la presse et la tolérance, de quel côté étaient-ils en fait, en 1989, lorsqu’il s’agissait de choisir entre la liberté et la dictature ? » poursuit-il (ibid : 139). Né en 1959 à Eberswalde, dans le Brandebourg, S. Schefke fut un militant actif des droits civiques en RDA. Il co-fonda notamment la Bibliothèque de l’Environnement (Umweltbibliothek) de la Zionskirche à Berlin-Est. C’est lui qui, le 9 octobre 1989, tourna clandestinement, de nuit, avec Aram Radomski, ces images de la manifestation sur le Ring à Leipzig qui, diffusées le lendemain à la télévision ouest-allemande, rendirent visible aux yeux de toutes et tous, en RDA et ailleurs, le profond mouvement de contestation que le régime est-allemand essayait de taire. Les questions que pose le journaliste et ancien opposant S. Schefke recoupent celles auxquelles l’historien Patrice Poutrus tente de répondre.

Né en 1961 à Berlin-Est, P. Poutrus, spécialiste de l’histoire des migrations à l’université d’Erfurt, se montre en effet très critique vis-à-vis d’une représentation très polarisée de la société allemande, entre « les Allemands de l’Est » d’une part et « les Allemands de l’Ouest » d’autre part (Poutrus 2019b). Il préfère porter un regard différencié sur ce qu’il dénonce comme une « essentialisation de l’identité individuelle quand nous parlons d’« ‘Allemands de l’Est’ » (Ostdeutsche) ». Ce serait oublier déjà les différences locales et régionales profondes qui ont existé du temps même de la RDA, entre par exemple la Thuringe et les bords de la Baltique, Berlin-Est ou Leipzig. Certes, l’expérience de l’après-Wende est un dénominateur commun pour celles et ceux qui vivaient à l’est du Mur. Cependant, il semble dangereux de vouloir en faire « ce qui définit toute ma personne, mes actions et mon discours », comme le font ceux qu’il appelle les « néo-ostalgiques », d’autant plus que cette expérience a été vécue, envers et malgré tout, de manière très diverse. Comment parler d’un « nous » collectif intégrant aussi bien celles et ceux qui ont été membres du SED, qui ont été fonctionnaires au sein du régime, et celles ou ceux qui ont été des opposant.es de la première heure ?

Deuxième point de l’argumentation de P. Poutrus : cette identification commune au statut d’Allemands de l’Est, quel que soit le parcours vécu depuis 1990, conduit en grande partie à une déresponsabilisation des individus. Être ancien.e citoyen.ne de la RDA ou vivre dans les anciens Bundesländer semblerait suffire à expliquer toute la complexité de la situation que traverse l’Allemagne dans son entier – et tout particulièrement certaines régions à l’est du pays. En outre, P. Poutrus dénonce le danger d’un discours victimaire des Allemands de l’Est, qui semble les dédouaner de toute responsabilité dans les évolutions qui ont eu lieu depuis 1990, et notamment dans le racisme virulent qui prévaut de nos jours dans l’est de l’Allemagne : « On pourrait presque même dire que les Allemands de l’Est peuvent en toute bonne conscience être racistes parce que c’est la Wende et l’Ouest qui les ont conduits à l’être » ironise-t-il (Poutrus 2019a). Ce serait de plus nier le fait que actes racistes et préjugés raciaux existaient du temps de la RDA : il suffit d’évoquer, rappelle l’historien, le pogrom d’août 1975 à Erfurt contre des travail-leurs algériens.

Au-delà, souligne P. Poutrus, la lecture qui est faite de l’après-unification à la lumière du post-colonialisme pose d’énormes problèmes. Affirmer que les Allemands de l’Est ont été colonisés par les Allemands de l’Ouest revient à méconnaître le processus qui a conduit à l’unification, dans lequel les Allemands de l’Est n’ont pas fait que de la figuration. Cela revient également à comparer la violence subie par les Allemands de l’Est et celles subies par les esclaves – ou même les immigrés : « Ce qui est tout simplement grotesque » tranche P. Poutrus, lui-même enfant d’un couple mixte (Poutrus 2019a).

Les sociologues Uta Karstein et Thomas Schmidt-Lux, de l’Institut für Kulturwissenschaften de l’université de Leipzig, vont plus loin encore : selon eux, les termes de « Ossis » ou de « Wessis » sont en grande partie des représentations et imaginations sociales (Karstein / Schmidt-Lux 2019). Et la complexité de conflits réels qui divisent la société allemande de nos jours dépasse de loin cette dualité. Des divisions existent également au sein des anciens Bundesländer, autour de l’héritage de 1968 par exemple. L’accueil des migrants a soulevé ces dernières années des discussions et des débats à l’échelle de toute l’Allemagne, et qui ne sauraient recouper l’opposition « Ossis »/« Wessis ». Il est sans doute temps, disent-ils, d’observer l’Allemagne en repérant des différences autres que celles opposant les anciens Allemands de l’Est contre ceux de l’Ouest – sinon « les problèmes réellement importants ne pourront être discutés à leur mesure et resteront ainsi non résolus ».

Le récit personnel et sensible que nous livre N. Offenstadt dans Le pays disparu rend bien compte de la violence du processus initié en 1990 avec la fin de la RDA – ce dont il est essentiel de témoigner et qu’il ne faut pas sous-estimer, en aucune manière (Kowalczuk 2019). Mais il en offre une lecture trop étroite, au risque de nourrir un discours nostalgique, dont il se démarquait pourtant lui-même en ouverture de son ouvrage. La pirouette finale, parlant de « l’incroyable sensation de liberté » ressentie par l’auteur dans ses explorations « comme dans une forme de paradoxe final pour la RDA » ne suffit certainement pas à chasser l’ambiguïté constante de la position de l’auteur, tout à la fois voyageur enthousiaste, explorateur curieux, glaneur intéressé, observateur circonspect – et par ailleurs historien.

eISSN:
2545-3858
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German, English, French